Québec

On a réveillé la grenouille qui dort

Angry Little Frog

Mona Rochon

Il y a quelques semaines, la majorité des Québécois tenait pour acquis que les Franco-Ontariens étaient un mythe. Il a fallu un commentaire désobligeant de Denise Bombardier sur les ondes de Radio-Canada, suivi quelques semaines plus tard par une mise à jour économique anti-Français du gouvernement de Doug Ford pour secouer les francophones de partout au pays.

Découverte de talents insoupçonnés

Depuis les premières publications sur la page Facebook de Boréal, en mai dernier, plusieurs parmi vous — parce que oui, Boréal compte plusieurs lecteurs du Québec — m’avez demandé : « Coudonc », d’où ils viennent, eux autres ? » avant de remarquer que : « Ils sont vraiment bons ! Comment ça se fait qu’on les connais pas ici ? »

Bien que je n’aie pas la réponse à cette question, une chose est certaine : on commence enfin à parler des artistes franco-canadiens au Québec.

C’est comme si la combinaison de Denise Bombardier et de Doug Ford avait réveillé la grenouille qui dort. Le bruit généré par cette grenouille a fait un tel vacarme que dimanche avait lieu une manifestation en solidarité avec les Franco-Ontariens dans la ville de Québec, et qu’hier, le Journal de Québec se demandait comment il se faisait que les Québécois ne connaissaient pas le groupe d’humoristes Improtéine et les musiciens du groupe Les Rats d’Swompe. Pourtant, ils sont bien connus chez les Francos du reste du Canada, et depuis assez longtemps.

Aujourd’hui encore, la station de radio satellite QUB a diffusé un segment d’émission où le chroniqueur partait à la découverte des Franco-Ontariens. QUB appartient à Québecor, tout comme le Journal de Montréal qui publie régulièrement la chronique de Madame Bombardier. Une telle ouverture de la part de cette entreprise médiatique est à la fois surprenante et bienvenue.

Des francophones invisibles

Les artistes québécois sont, règle générale, bien connus au-delà de ses frontières. Ils se rendent souvent donner des spectacles un peu partout au Canada, et sont très appréciés du public. Les artistes franco-canadiens viennent trop peu souvent au Québec, et ont la fâcheuse manie de taire leur province d’origine. Cette absence apparente des francophones hors-Québec en sol québécois donne l’impression qu’il n’y a pas de culture en français ailleurs au pays. Les Québécois sont ainsi convaincus que les rares artistes francophones qui proviennent du ROC et qui souhaitent vivre en français n’ont pas d’autre choix que de faire carrière au Québec, s’ils ne veulent pas crever de faim. C’est un mythe tenace qui commence à s’effriter un peu.

Un vent de changement

Au cours des prochains jours, une pièce de théâtre pour adolescents sera présentée au Théâtre Denise-Pelletier. Cette pièce est le fruit de la collaboration de deux compagnies théâtrales franco-ontariennes et une québécoise. On commence à entendre les Rats d’Swompe et Le Groupe Swing à la radio québécoise. Les auteurs-compositeurs-interprètes franco-canadiens ont été très présents sur les scènes du Festival international de la Chanson de Granby et de Petite-Vallée en Gaspésie. Les Lisa Leblanc, Katherine Levac et Damien Robitaille disent haut et fort leurs origines, et on les applaudit. Les auteurs franco-canadiens participent à des événements littéraires à Montréal, à Gatineau, à Québec et dans d’autres villes du Québec…

On commence enfin à se rendre compte au Québec qu’il existe tout un pan de culture francophone au Canada, culture qui lui était jusqu’alors inconnue.

Comme d’autres l’ont fait avant nous, nous travaillons fort, chez Boréal, pour changer les perceptions, pour faire découvrir aux Québécois des talents qu’ils ignoraient.

Peut-être qu’il était temps, finalement, que la grenouille se réveille.