Le grand détour pour traverser la rue, d’Alain Savary, est un récit intense. C’est un roman sur la quête de savoir, que l’on sent chez le personnage principal même lorsqu’il est un jeune adolescent. L’auteur, que nous avons interviewé par téléphone, affirme qu’il s’agit d’un roman en partie autobiographique. Mais il est difficile de lui faire admettre quelles parties sont autobiographiques et lesquelles sont fictionnelles et romancées, ce qui rend la lecture d’autant plus délicieuse.
Un auteur énigmatique
L’auteur lui-même est un mystère. Sur la 4e de couverture, on peut lire qu’il « a 30 ans. Il est issu d’un milieu pauvre de Vanier. Il a fait ses études à l’Université d’Ottawa et à Londres. Il est aujourd’hui investisseur à Ottawa. » La biographie de l’auteur est la même que celle du personnage principal, Charles Martin. Et pourtant, il a la voix d’un homme beaucoup plus mûr, et un accent français qui laisse deviner qu’il a grandi à des milliers de kilomètres de Vanier.
C’est comme si, non content d’avoir créé le personnage de Charles Martin, il a aussi créé celui de l’auteur qui lui a donné vie. Une sorte de mise en abîme ou le personnage du roman trouve son écho dans le personnage de l’auteur. Bien qu’il s’agisse d’un premier roman pour Alain Savary, son alter ego qui est au bout du fil avoue bien candidement avoir écrit plusieurs romans. « Vous m’avez probablement déjà lu sans le savoir, » lâche-t-il en entrevue!
Le roman
On suit la vie parfois difficile de Charles Martin, de l’âge de 13 ans à 30 ans. On découvre ainsi qu’il a été abandonné par sa mère, que son père l’aime à sa façon, mais qu’il est alcoolique. Vanier est un endroit où se côtoient riches et pauvres, parfois dans la même école. Charles sait qu’il y a une différence entre les deux : ses amis de familles plus aisées quittent Vanier pendant l’année scolaire pour aller à l’école privée.
Charles découvre aussi un lac inconnu de ceux qui ne vivent pas à Rockliffe Park, petit hameau situé de l’autre côté de la rue qui le sépare de Vanier. Rockliffe Park, c’est le quartier riche d’Ottawa. Charles se demande comment il se fait que personne ne connaisse ce lac, avec sa petite plage. Comment se fait-il que la connaissance ne soit réservée qu’à certains, et qu’elle ne soit pas accessible à tous?
Des amitiés avec des professeurs au secondaire puis à l’université, un riche amant qui rend l’accès à l’université possible, toutes des relations improbables qui le conduiront à en savoir plus, toujours plus. Elles le conduiront à cette rencontre inévitable, mais tant recherchée : la femme qu’il aime. C’est avec elle, au bout de plusieurs années d’apprentissages, qu’il traversera la rue pour habiter à Rockliffe Park.
En début de roman, Charles veut raconter sa vie pour que son bébé à naître sache tout ce qu’il n’aura jamais : « Il n’aura aucune idée de ce que signifie vivre dans un sous-sol avec un père ivre. Il faudra qu’il fasse le chemin inverse. »
Le grand détour pour traverser la rue est publié aux Éditions L’Interligne.