Ontario

Rencontre avec Hélène Koscielniak

hélène koscielniak

J’ai rencontré Hélène Koscielniak plus tôt cette année. C’était au début mars, quelques semaines avant le début de la pandémie et du confinement, dans le cadre d’une journée de réflexion à l’AAOF. À ce moment, j’étais en plein milieu de la lecture de son recueil de nouvelles On n’sait jamais à quoi s’attendre.

Le recueil compte douze nouvelles dont les chutes sont toujours surprenantes. En effet, on ne sait jamais à quoi s’attendre ! Alors que le lecteur s’imagine une fin qui semble aller de soi, l’auteure nous amène ailleurs, dans une fin complètement inattendue.

La dernière nouvelle, J’attends, a d’ailleurs été retenue pour faire partie d’un recueil en Allemagne. « Cette nouvelle-là, je l’ai écrite dans ma tête en faisant du ski de fond, bien avant de la mettre sur papier », confie-t-elle lors d’une entrevue téléphonique.

L’amour de la lecture… et de l’écriture !

Madame Koscielniak raconte d’où lui vient son amour pour l’écriture. Petite fille, elle fréquentait une école de Kapuskasing dans le Nord ontarien. Son enseignante avait annoncé à la classe que les élèves auraient un certain nombre de livres à lire au cours de l’année scolaire. « C’étaient de gros livres ! Le premier était Le Club des Cinq contre-attaque. En français, bien sûr. Depuis ce temps, j’adore lire ! » Dès sa quatrième année du primaire, elle s’est dit qu’un jour, elle écrirait un livre. Elle en a écrit sept, jusqu’à maintenant, tous publiés aux Éditions L’Interligne.

Le premier qu’elle a écrit, Carnet de bord, a été envoyé à plusieurs maisons d’édition, tant en Ontario qu’au Québec. Toutes l’ont refusé. « Je me suis dit que je le retravaillerais, et je l’ai mis dans un tiroir, pour plus tard, » explique-t-elle. Puis elle a écrit Marraine. « À ce moment, j’ai découvert qu’il y avait quatre maisons d’édition en Ontario français. Je l’ai envoyé aux quatre ! » La première à avoir accepté de publier fut L’Interligne. « Mais je suis vraiment chanceuse : les maisons d’édition reçoivent environ 500 manuscrits par année, et n’en publient que cinq ou six ! »

À la suite de cette première publication, son Carnet de bord a finalement été publié. Puis ont suivi Contrepoids, Filleul, Frédéric, le recueil de nouvelles On n’sait jamais à quoi s’attendre et, finalement, Génération sandwich. Ce dernier est arrivé en librairie à la fin mars 2020.

L’actualité comme source d’inspiration

L’auteure, qui réside toujours à Kapuskasing, affirme qu’elle n’a jamais de plan d’écriture pour ses livres. « J’ai une idée et je pars avec ça ». Les gens de son entourage peuvent lui inspirer des histoires ou des personnages. Mais le plus souvent, c’est l’actualité qui lui chatouille les méninges.

Ainsi, au début du processus d’écriture de son dernier roman, il était souvent question de proches aidants, aux nouvelles télévisées. Et elle constatait que dans son entourage, plusieurs vivaient cette situation, même si chacun la vivait à sa façon.

Génération sandwich a ceci de particulier qu’il n’est pas divisé en chapitres. Ce sont plutôt les personnages qui servent de charnière dans le livre. Ainsi, on peut lire l’histoire de Lianne, la proche aidante du roman, à travers les yeux des autres personnages qui gravitent autour d’elle : son père, son amie, son mari, ses frères, ses enfants et sa petite-fille. Chacun a son tour de parole dans cette histoire, et cette multiplication des points de vue est l’une des richesses de ce récit.

Ainsi, le lecteur est confronté à une situation qui semble tout à fait normale, jusqu’à ce que Lianne entre en confrontation avec les autres personnages. C’est alors que le lecteur constate le déséquilibre qui existe entre les responsabilités qui incombent au personnage principal et son désir de liberté, d’avoir du temps pour elle. Ou entre Lianne et ses frères lorsqu’il est question de prendre soin de leur père vieillissant. C’est toujours sur la femme que pèse la responsabilité de prendre soin des autres, au détriment de ses propres désirs.

Un sujet difficile

En plus de porter sur la relation des proches-aidants avec leurs parents vieillissants et leurs enfants adultes qui reviennent à la maison, Génération sandwich traite d’un sujet plus délicat : la transsexualité. La petite-fille de Lianne est transgenre, et souhaite devenir un garçon, puisqu’elle est convaincue que c’est ce qu’elle a toujours été.

À la lecture, on ressent bien le malaise des proches de Lily/Liam, l’adolescente de 16 ans qui annonce à sa famille qu’elle est transgenre. Même ceux qui acceptent sont déchirés devant cette nouvelle identité de genre, et l’on sent jusque dans la narration qu’il y a une certaine hésitation dans la façon d’aborder l’adolescente. Puisqu’elle n’a pas encore commencé sa transformation, est-ce qu’on doit la désigner par le sexe masculin, ou féminin ? Quelles toilettes doit il/elle utiliser à l’école ? Est-ce une simple phase de recherche d’identité, ou pire encore, un moyen de s’attirer l’attention des autres? Ces questions et bien d’autres font écho à des situations similaires dans la réalité.

D’autres projets

Madame Koscielniak travaille à la rédaction de son 8e roman. Bien qu’elle n’en dévoile pas le titre, elle révèle qu’il portera sur l’anorexie. « Ce sera un roman pour adolescents, » ajoute-t-elle. Elle admet être toujours étonnée quand des gens lui confient vivre les mêmes situations que celles qu’elle décrit dans ses romans. « Il y a toujours quelqu’un qui a vécu quelque chose de semblable, ou qui connait quelqu’un qui lui a vécu la même chose », indique-t-elle. C’est là preuve de la qualité de l’écriture et de la vraisemblance de ses récits qui décrivent bien le quotidien.

Génération sandwich, publié aux Éditions L’Interligne, est disponible en librairie et sur le site Les libraires, en format papier et numérique.